Victime de sirènes


"Victime de sirènes"
acrylique sur carton
113X78
Près de chez moi, j'ai trouvé un endroit aux murs qui me plaisaient bien. J'essaie, du coup, de mettre en scène quelques toiles.
Cette fresque, une pub pour l'huile de moteur hafa© tombait bien.



Je suis ce qu'on nomme en Tahitien un "ta'ata afa"; "afa" vient de l'anglais "half" (terme emprunté à l'anglais par la langue Tahitienne) de "half cast" qui veut dire métis. J'ai une mère française et tahitienne et un père tahitien au nom de famille anglo saxon avec d'autres origines encore, mais on est pas sûr...

Ce qui me place dans la catégorie "afa" c'est que j'ai la peau plutôt claire. Je suis métis et ça se voit. Il y a une petite nuance à prendre en compte à Tahiti (et par extension en Polynésie) c'est que le Polynésien pure souche n'existe pas (je me trompe peut-être mais je n'en ai jamais rencontré...) Il y a beaucoup de noms anglo-saxon en Polynésie il m'est même arrivé de parler à un certain James Dean à la peau d'ébène et à l'accent de Molière.  Inversement, quelques uns au patronyme catégoriquement Européen ou chinois ressemblent à des dieux et déesses Polynésiens.
Dans l'absolu nous sommes tous "afa" sauf qu'il y en a, chez qui, ça se voit et sont nommés comme tel, d'autres non.

Il y a aussi un degré "d'occidentalité" dans l'éducation d'un enfant né en Polynésie. Nous sommes beaucoup à ne pas parler du tout Tahitien, cela entre autre à cause d'une orientation pédagogique un peu floue à mon époque (les choses se mettent en place tout de même; l'apprentissage du Tahitien dès la primaire) mais l'éducation donnée dans le foyer du gamin à son importance.

J'ai passé une bonne partie de ma petite enfance à Raiatea dans ma famille paternelle plus proche de ce qu'on peut concevoir comme image de la famille et "culture" Polynésienne. L'environnement moins matérialiste de Vaiaau (surtout il y a 20 ans) rapprocherait même Donald Trump vers un cocotier pour il  qu'il y grimpe...
L'école était un facteur important dans le choix de mes parents de retourner vivre à Tahiti. Il était plus raisonnable (surtout pour ma mère qui s'ennuyait un peu à Raiatea) de me donner l'accès à une éducation plus occidentale. Je parlerai moins souvent Tahitien et je me ferai plus d'ami métros.

Quand on est gamin on est facilement attiré par la nouveauté et à Tahiti ( l'île principale) j'avais accès à un tas de nouveaux médias: télé, jeux video, BD (tjrs depuis Raiatea) etc... Il y a une période charnière dans la construction d'une personnalité, l'adolescence.
Quand on est ado, on veut faire comme ailleurs et, l'ailleurs, en Polynésie c'est les USA. La mode et le style vestimentaire chez les jeunes Polynésiens se rapproche plus de Kelly Slater que du Tahitien torse et pieds nus, Pare'u (paréo).
Il y a une forte influence Américaine à Tahiti et dans tout le pacifique, plus c'est gros, mieux c'est.
Un gros pick-up V8 (de la mort) c'est mieux qu'une citroën AX. Si on peut entendre la musique que tu passes sur ton "mega sub kickers 6500 watts 35 pouces" dans la vallée d'à coté c'est bien aussi. Si tu vas plus vite que ton voisin sur ton poti marara grâce à ton hors bord Yamaha 12 500 chevaux, c'est toi le bosse...
Malgré ce qu'on peut dire, le tahitien EST matérialiste (ceci est valable pour moi aussi bien sûr sauf que je ne trip pas grosse bagnole ni méga son qui rend sourd ).

Une chose plus ou moins évidente saute aux yeux si on y réfléchit un peu. Si les 2 cinémas à Tahiti ne proposent QUE des blockbusters américains c'est que la demande est avant tout "américanophile".
Il y en a qui répondront "meuh non! C'est pas vrai y a des films d'auteurs du Pacifique, d'europe et d'asie qui passe au ciné il y a même le FIFO!"
Ma réponse: "Les films d'auteurs font des flops et le FIFO est un festival annuel, qui passe des documentaires..."

On ne peut pas en vouloir à un individu d'être attiré parce qu'il ne connaît pas, au contraire il faut le laisser faire. Maintenant que je "comprends" mieux l'occident je veux mieux comprendre d'où je viens.
Je me sens plus Polynésien que jamais et c'est avec conviction que je peins la Polynésie (en occurrence le tableau ci-dessus est une illustration du mythe des sirènes mais bon...).

Je ne VEUX pas comprendre certains élans nationalistes qui tentent de définir l'identité Polynésienne sur des bases obscures de filiation plus ou moins ma'ohi ou d'une éducation à la ma'ohi, c'est un questionnement beaucoup plus complexe que ça. Parce que je n'ai pas LA réponse, ce qui compte c'est le sentiment d'appartenir à un endroit et je ne laisserai personne me retirer se sentiment en prétendant défendre les Polynésiens, leur culture ou leur identité. Être Polynésien est un choix et non un mécanisme.
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